
la Sénatrice Elizabeth Warren craint qu'il ne bénéficie massivement de la loi
Le Sénat américain a récemment adopté le Guiding and Establishing National Innovation for U.S. Stablecoins Act, plus communément appelé le GENIUS Act, une législation historique visant à encadrer le marché en pleine croissance des stablecoins. Ce vote, obtenu avec un soutien bipartisan significatif de 68 voix contre 30, marque une étape cruciale pour l'intégration des cryptomonnaies dans le système financier américain, mais il est loin de faire l'unanimité. Des voix s'élèvent, notamment du côté des Démocrates, pour dénoncer un texte qui, selon eux, pourrait ouvrir la voie à une corruption sans précédent, en particulier en lien avec le président Donald Trump.
Contexte
Un stablecoin (ou cryptomonnaie stable) est une cryptomonnaie adossée à une monnaie fiduciaire comme le dollar. Contrairement aux cryptomonnaies traditionnelles, comme le bitcoin ou l'ether, les stablecoins évitent les fluctuations du marché.
Afin de protéger les investisseurs, le Genius Act exige que les stablecoins soient entièrement garantis par des dollars américains. En plus, des audit annuels à l'égard des émetteurs dont la capitalisation dépasse les 50 milliards de dollars seront également réalisés. Pour éviter les monopoles, les grandes entreprises technologiques cotées en bourse (comme les GAFAM) ne pourront pas émettre des stablecoins sauf si elles s'associent à des acteurs financiers ou répondent à des exigences (financières, confidentialité des données...).
Protéger les utilisateurs
Les stablecoins sont conçus pour être moins volatiles que les autres formes de crypto-monnaies, qui peuvent connaître de fortes variations de prix et, par conséquent, poser des difficultés aux personnes qui les utilisent pour faciliter un achat ou une vente.
Le projet de loi fixe des règles pour les émetteurs de stablecoins, notamment l'obligation pour les entreprises de détenir une réserve d'actifs sous-jacents à la crypto-monnaie. Cette disposition vise à protéger les consommateurs, qui risqueraient de ne pas pouvoir encaisser leurs avoirs en cas de perte de valeur rapide et généralisé des jetons.
Le principal objectif du GENIUS Act est donc de sortir les stablecoins de l'ombre réglementaire dans laquelle ils opéraient jusqu'à présent. Face à l'explosion de ce marché et aux risques inhérents d'un secteur non supervisé (volatilité, fraudes, blanchiment d'argent), le Congrès américain a ressenti le besoin urgent d'établir un cadre juridique clair.
Les mesures phares de la loi incluent :
- Réglementation des émetteurs : désormais, les entreprises émettant des stablecoins devront se conformer à des exigences strictes, notamment l'obligation de détenir des réserves à 100%, garanties par des actifs sûrs et liquides comme le dollar américain ou des bons du Trésor. Cette disposition vise à assurer la stabilité et la convertibilité des stablecoins, rassurant ainsi les investisseurs et les utilisateurs.
- Lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (LCB/FT) : le projet de loi intègre des exigences renforcées en matière de connaissance du client (KYC) et de signalement des transactions suspectes, alignant les émetteurs de stablecoins sur les normes déjà en vigueur dans le système financier traditionnel.
- Protection des consommateurs : en cas de défaillance d'un émetteur, le "GENIUS Act" prévoit des mécanismes pour protéger les fonds des détenteurs de stablecoins, un élément crucial pour instaurer la confiance dans ces nouveaux instruments financiers.
- Supervision multi-agences : la régulation des stablecoins sera désormais partagée entre plusieurs entités clés du gouvernement américain, dont le Département du Trésor, la Réserve Fédérale et la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), assurant une surveillance complète et coordonnée.
Pour ses partisans, cette législation est une opportunité historique de positionner les États-Unis en tant que leader mondial de l'innovation financière, de renforcer la domination du dollar à l'ère numérique et d'offrir des solutions de paiement plus efficaces et moins coûteuses pour les entreprises et les particuliers. C'est également perçu comme un signal fort de reconnaissance de la légitimité des cryptomonnaies par le gouvernement fédéral.
Que disent les partisans de la GENIUS Act ?
Les partisans de la GENIUS Act se félicitent de cette mesure, première du genre à formaliser un segment clé de l'industrie des crypto-monnaies, offrant des garanties aux consommateurs, permettant l'entrée de sociétés financières conventionnelles et la croissance du marché des monnaies numériques.
« Cela ouvre les vannes », a déclaré Christian Catalini, fondateur du MIT Cryptoeconomics Lab. « De nombreux émetteurs vont entrer sur le marché. Les consommateurs auront plus de choix. La concurrence et l'innovation dans le domaine des paiements s'en trouveront renforcées ».
Les nouvelles règles, a ajouté Catalini, déchargent les consommateurs de la responsabilité de distinguer les bons et les mauvais acteurs dans le secteur des stablecoins, et ouvrent au contraire la concurrence entre les entreprises sur la base de la qualité de leurs produits.
« Il s'agit désormais de savoir qui peut offrir le plus rapidement aux consommateurs et aux entreprises les meilleurs cas d'utilisation et les meilleures fonctionnalités », a déclaré Catalini.
Le revers de la médaille : un « cadeau » à Donald Trump et un tremplin pour la corruption ?
Malgré le soutien bipartisan, le GENIUS Act est loin d'être exempt de critiques acerbes. La Sénatrice Elizabeth Warren, démocrate du Massachusetts et figure emblématique de la lutte contre les dérives financières, a mené la charge, qualifiant le projet de loi de « cadeau » à l'industrie des cryptomonnaies et, plus précisément, de potentielle porte ouverte à une corruption étatique sans précédent, avec Donald Trump au cœur de ses préoccupations.
La controverse tourne principalement autour des liens de Donald Trump et de sa famille avec le secteur des cryptomonnaies. Il a été largement médiatisé que la société crypto de la famille Trump, World Liberty Financial, a lancé son propre stablecoin, le USD1. Les critiques craignent que le GENIUS Act ne confère une légitimité réglementaire à ce type d'actif, permettant à l'ancien président, voire à un futur président, de bénéficier directement et massivement d'une loi qu'il pourrait lui-même avoir influencée.
La Sénatrice Warren n'a pas mâché ses mots, affirmant que le USD1, avec la bénédiction du GENIUS Act, ne serait pas seulement « un outil coercitif pour soudoyer un président corrompu, mais un instrument financier béni par le gouvernement des États-Unis ». Elle a également souligné une lacune flagrante selon elle : le projet de loi n'interdit pas explicitement au Président et au Vice-Président de détenir des stablecoins ou de tirer profit d'entreprises liées aux stablecoins. Cette omission est d'autant plus troublante que des restrictions similaires existent déjà pour les membres du Congrès et d'autres hauts fonctionnaires de l'exécutif, créant une exception potentiellement dangereuse pour les plus hautes fonctions de l'État.
Les démocrates soulignent également le risque systémique qu'une adoption trop permissive des stablecoins pourrait entraîner, en l'absence de garanties suffisantes contre les manipulations de marché ou les utilisations abusives. Ils craignent que cette législation ne favorise la concentration du pouvoir économique entre les mains de quelques géants technologiques ou financiers, qui pourraient alors émettre leurs propres stablecoins, créant des « monnaies privées » qui échapperaient à un contrôle démocratique suffisant.
Sénatrice Elizabeth Warren
Donald Trump a engrangé environ 1 milliard de dollars en neuf mois grâce à des projets de cryptomonnaies controversés
L'incursion de Donald Trump dans la cryptomonnaie reste un sujet de préoccupations sur les plans politique, économique et éthique. Le président américain a lancé des actifs numériques qui l'ont enrichi personnellement. Au total, Donald Trump aurait engrangé environ un milliard de dollars au cours des neuf derniers mois. Sa valeur nette est passée à 5,6 milliards de dollars. Ces projets l'auraient également aidé à faire face aux frais de justice colossaux. Derrière les profits affichés et le marketing flamboyant se cachent de lourds soupçons de conflits d'intérêts, de favoritisme politique, de financement opaque et de compromission.
Donald Trump était très hostile aux cryptomonnaies lors de son premier mandat présidentiel, mais il a opéré un revirement lors de sa campagne électorale victorieuse en 2024. Il s'est notamment lié d'amitié avec les frères de la technologie. Les jumeaux milliardaires Cameron et Tyler Winklevoss, tous deux des magnats de la cryptomonnaie, et d'autres dirigeants de la Silicon Valley ont apporté leur soutien financier à Donald Trump pendant sa campagne.
Depuis sa réélection, Donald Trump a porté de nouveaux projets et a créé de nouvelles cryptomonnaies. Il s'agit de projets de jetons non fongibles (NFT), d'un memecoin à son effigie ($TRUMP) et d'un stablecoin (USD1). Selon Forbes, ces différents montages lui ont permis de lever environ un milliard de dollars.
L'administration Trump a fait pression pour déréglementer l'industrie et a dissout une unité qui se concentrait sur les enquêtes sur les fraudes liées aux cryptomonnaies. En 2024, un juge fédéral a condamné Sam Bankman-Fried, fondateur de la bourse de cryptomonnaies FTX, à 25 ans de prison pour avoir perpétré l'une des plus grandes fraudes financières de l'histoire moderne des États-Unis et pour avoir soutiré des milliards de dollars à ses clients.
Quel avenir pour le GENIUS Act et les stablecoins ?
L'adoption par le Sénat est une victoire significative pour l'industrie des cryptomonnaies, qui a déployé des efforts de lobbying considérables ces dernières années. Cependant, le parcours législatif du "GENIUS Act" est loin d'être terminé. Le texte doit maintenant être examiné par la Chambre des Représentants, où des débats similaires, voire plus intenses, sont attendus. Des tentatives d'amendements par les démocrates pour renforcer les mesures anti-corruption et les protections des consommateurs sont très probables.
Le succès final de cette législation dépendra de la capacité du Congrès à concilier la nécessité d'innover dans le domaine des technologies financières avec l'impératif de maintenir l'intégrité du système politique et financier américain. Le "GENIUS Act" illustre parfaitement la complexité des défis posés par l'émergence des cryptomonnaies : entre promesses de révolution financière et craintes de nouvelles formes de vulnérabilités et de corruption. L'issue de ce débat façonnera non seulement l'avenir des stablecoins aux États-Unis, mais aussi potentiellement les standards de régulation à l'échelle mondiale.
Walmart et Amazon envisagent d'émettre leurs propres cryptomonnaies stablecoins
D'après un récent rapport du Wall Street Journal citant des sources proches du dossier, Walmart et Amazon envisagent ainsi de développer des stablecoins spécifiques à leur marque. Bien qu'aucune des deux entreprises n'ait confirmé ces projets, un système de paiement par stablecoin pourrait détourner des milliards de dollars de flux de trésorerie de leurs partenaires bancaires.
Les projets d'émission de stablecoins des géants du commerce en ligne dépendront probablement de l'issue du GENIUS Act.
Des entreprises liées à des géants financiers tels que JPMorgan, Bank of America, Citigroup et Wells Fargo auraient également discuté d'un éventuel lancement conjoint de stablecoins.
DTCC Digital Assets considère également les stablecoins comme l'instrument financier « parfait » pour la gestion des garanties en temps réel, ce qui pourrait moderniser et simplifier le système financier.
Cependant, malgré leur popularité croissante, les stablecoins seraient étroitement liés à différentes activités criminelles. Selon un rapport de Chainalysis, les stablecoins ont permis de réaliser plus de 40 milliards de dollars de transactions illicites sur la période de 2022 à 2023 et 70 % des flux de cryptomonnaie liés à des escroqueries en 2023 impliquaient des stablecoins.
Les risques associés aux stablecoins ont également suscité des inquiétudes en Europe. Dès 2020, les ministres des Finances de l'UE ont appelé à une régulation plus stricte des stablecoins afin de préserver l'autonomie monétaire et la sécurité des consommateurs, notamment en réponse au projet Libra de Facebook. La France, en particulier, s'est fait le champion d'un cadre réglementaire visant à inciter les entreprises émettrices et les spéculateurs de cryptomonnaies à s'installer dans le pays, en leur accordant l'autorisation d'exercer officiellement leur activité, tout en garantissant que la France puisse prélever des impôts sur leurs bénéfices.
Source : Congrès, vidéo dans le texte
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